En 2013, lors de la formation du nouveau gouvernement, l’engagement financier de consacrer 1 % du RNB à l’Aide publique au développement (APD) a été clairement réaffirmé. Cet engagement a été respecté, année après année. En 2017, il a porté sur une enveloppe de 377 millions d’euros. Il a bénéficié de l’appui de tous les partis politiques, à l’exception de l’ADR.
 
Le dernier avis du Comité d’Aide au Développement de l’OECD fait état de la fiabilité du Luxembourg, du niveau de son APD, du caractère non lié de cette aide et du % en augmentation réservé aux pays les moins avancés. Seuls quatre autres pays – le Danemark, la Norvège, la Suède et le Royaume-Uni-, ont également une APD égale ou supérieure à 0,7 % du RNB, objectif fixé par les Nations Unies.
 
Cette réalisation du gouvernement mérite d’être saluée.
 
Les pays partenaires.
 
Le rapport annuel pour 2017, publié en juillet dernier, rappelle les efforts de respect de l’Agenda 2030 (voir www.cooperation.lu/2017/). Il fait état d’une «augmentation significative du volume d’aide publique au développement envers les Pays les moins avancés (PMA)». L’aide bilatérale fournie à ces pays, en coopération avec LuxDev, atteint 75 millions d’euros. Les pays bénéficiaires sont le Burkina Faso, le Mali, le Niger et le Sénégal en Afrique de l’Ouest ainsi que le Laos en Asie du Sud-Est. S’y ajoutent les Territoires Palestiniens Occupés. Le Cap Vert et le Nicaragua complètent la liste des pays partenaires.
 
Le rapport signale la dégradation de la situation sécuritaire et l’augmentation de la vulnérabilité de la bande sahélo-saharienne.
 
La liste des pays à projets comprend le Vietnam et El Salvador – qui ne bénéficient plus du statut de pays partenaire vu le niveau de développement atteint –,le Kosovo, la Mongolie, le Myanmar, l’Afghanistan et le Tadjikistan.
 
Sont mentionnés les thèmes et secteurs bénéficiaires suivants: services sociaux de base de qualité, développement rural intégré, les populations les plus vulnérables et défavorisées, dont les femmes, les jeunes filles et la jeunesse en général, l’éducation, la formation professionnelle et la santé, dont la santé du couple mère-enfant et l’accès à la couverture sanitaire universelle, enfin l’eau et l’assainissement ainsi que la sécurité alimentaire et nutritionnelle.
 
La coopération multilatérale, humanitaire et avec les ONG.
 
Un budget global de 106,6 millions d’euros est mis à disposition pour la coopération multilatérale dont bénéficie notamment une série d’organisations des Nations Unies. Il inclut la contribution versée au budget de l’UE. 48,53 millions d’euros, – 12,8 % de l’APD –, ont été affectés à l’aide humanitaire permettant de contribuer aux grandes crises humanitaires comme celle en Syrie, en Irak et en RDC, celle des Rohingyas ainsi qu’à la famine qui a menacé 20 millions de personnes au Yémen, au Soudan du Sud, au Nigeria et en Somalie. 94 ONG disposent de l’agrément auprès du ministère des Affaires étrangères et européennes. Au total, l’APD allouée aux ONG nationales en 2017 a été de 58,62 millions d’euros, soit 15,46 %. Deux taux de cofinancement leur sont dorénavant appliqués : 60 % et 80 %. 2,2 millions ont été accordés pour des actions de sensibilisation et d’éducation au développement. Une nouvelle stratégie générale de la coopération luxembourgeoise a été élaborée au cours de la première moitié de 2018.
 
La discussion, à laquelle les ONG ont été également associées, devrait se poursuivre lors des Assises de la Coopération au développement en septembre. Cette stratégie devrait mieux tenir compte des demandes présentées ci-après.
 
Élections : les demandes de la société civile
 
Au cours des mois écoulés et dans la perspective de la préparation des programmes électoraux pour les prochaines élections, des plateformes ou des coalitions d’ONG dont l’ASTM fait partie, ont rencontré des représentants de nos partis politiques pour leur présenter leurs revendications. Elles soulignent leur attachement aux valeurs de justice sociale, de solidarité et de durabilité.
 
Au cours de 2017, le Cercle des ONG de développement a mis au point le baromètre 2017 « Fair Politics » sur la cohérence des politiques pour le développement. Il comprend bon nombre de revendications des ONG sous forme de recommandations portant sur cinq thématiques : le climat, la culture, l’économie, l’agriculture et la finance.
 
Renforcer la cohérence des politiques
 
Dans son introduction à «Fair Politics», Armand Drews, Président du Cercle, rappelle une donnée fondamentale : «notre politique de développement est souvent affaiblie ou même contrecarrée par les politiques nationales, ou même européennes. Donner d’une main pour reprendre de l’autre». En 2010, Jean-Claude Juncker, alors Premier ministre de notre pays, l’avait formulé de manière encore plus brutale : «nous devons constater toujours à nouveau que ce que nous donnons avec la main droite, nous le reprenons deux ou trois fois avec la main gauche ; pour augmenter le rendement de quelques centimes d’une grande entreprise chez nous, des marchés entiers sont minés et détruits en Afrique». Ce qu’il a largement ignoré, une fois devenu Président de la Commission européenne, laquelle a imposé aux pays africains les Accords «de Partenariat Économique» (APE) mais en fait de nature néo-libérale et néo-coloniale.
 
Notre gouvernement et la coopération au développement sont loin de réserver à cette cohérence des politiques l’importance qu’elle mérite. Moins de dix lignes lui sont réservées dans le rapport 2017 sur la coopération. Nulle trace des réunions que le Comité interministériel a tenues sur la question, sur les thèmes traités, les conclusions tirées. Le Cercle met en cause la faiblesse structurelle du dispositif de cette cohérence des politiques qui n’a qu’une fonction consultative. Il demande, pour la corriger, la création d’un mécanisme de contrôle des politiques nationales.
 
L’agriculture et une nouvelle politique commerciale européenne
 
S’agissant de la politique de coopération au développement, tout nouveau gouvernement est d’abord invité à maintenir une APD d’au moins 1 % du RNB. Ensuite, il devrait mieux tenir compte de l’importance et de la pauvreté de la population rurale dans les pays en développement. Une nouvelle priorité est donc à accorder à l’agriculture et au moins 10 % de l’APD lui sont à réserver. Est à promouvoir l’agriculture à petite échelle et sont à soutenir les femmes qui jouent un rôle majeur dans la production agricole.
 
Ne sont pourtant pas à oublier les flux financiers qui vont du Sud vers le Nord. Plusieurs scandales et notamment Luxleaks ont mis en évidence les stratégies d’évasion fiscale pratiquées par les entreprises multinationales et leurs impacts sur les économies des pays en développement. «Sur la seule base des fortunes privées gérées au Luxembourg et, selon une estimation prudente, jusqu’à 2,5 milliards de dollars échappent chaque année aux administrations fiscales des pays en développement», a estimé, en 2009, Rainer Falk dans une étude sur l’oasis fiscale du Luxembourg. Pour arrêter ces pratiques, les ONG demandent que le Luxembourg soutienne l’élaboration par les multinationales de «rapports pays par pays» (country by country reporting), publics et obligatoires. Une nouvelle politique commerciale européenne envers les pays africains devrait : favoriser la création de capacités de production et d’emplois dans l’agriculture et l’industrie, permettre la régulation de leurs marchés afin de protéger les petits producteurs locaux, réintroduire le principe de non-réciprocité, interdire les exportations d’aliments et de produits agricoles à des prix de dumping. La ratification des APE est à exclure.
 
Concernant la politique commerciale, la plateforme «Stop CETA & TTIP» reprend le rejet de cette ratification. Elle demande aussi de voter contre la ratification de l’accord CETA et d’appuyer une autre politique de commerce et d’investissement qui, en particulier, ancre les normes fondamentales du travail de l’Organisation Internationale du Travail (OIT); renforce les services publics et les services d’intérêt général; est négociée ouvertement et en toute transparence; protège de manière contraignante les droits de l’homme; inclue les parlements et la société civile dès la phase de conception de nouveaux accords; comprend des engagements réciproques et fixe des objectifs vérifiables pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
 
Le climat, l’agriculture, les droits humains et la Palestine
 
La plateforme «Votum Klima» demande e.a. une réduction d’au minimum 30 % des émissions des gaz à effet de serre d’ici 2020. La canicule de cette année, la sécheresse et les incendies qu’elle a causés ont souligné, s’il en était encore besoin, l’urgence et la priorité d’un changement de paradigme et d’une action politique effective.
 
Pour la plateforme «Meng Landwirtschaft», il importe de soutenir une agriculture biologique qui devrait bénéficier davantage des fonds publics. Jusqu’en 2025, au moins 20% de la surface agricole serait à exploiter de manière biologique. Une réduction d’ici là d’un tiers de la production de lait et de viande diminuerait considérablement l’importation d’aliments protéiques des pays du Sud et contribuerait à la protection du climat, de l’environnement et des populations concernées. Une telle agriculture serait moins dépendante des exportations vers les pays en développement qui se font aux dépens des producteurs locaux.
 
Une nouvelle plateforme, créée cette année à l’instigation de l’ASTM, l’«initiative pour un devoir de vigilance» invite les partis à voter une loi instaurant un devoir de vigilance pour les entreprises transnationales domiciliées au Luxembourg afin de prévenir d’éventuelles violations des droits humains et des atteintes à l’environnement par des entreprises transnationales opérant depuis le Luxembourg.
Le Comité pour une Paix Juste au Proche Orient demande la reconnaissance par le Luxembourg de l’État de Palestine; l’arrêt immédiat de l’occupation et de la colonisation, illégales selon le droit international; la suspension de l’accord d’association UE-Israël tant qu’Israël viole le droit international alors que l’article 2 de cet accord engage les deux parties à respecter les droits humains et les principes démocratiques ; la suspension aussi de l’accord de coopération scientifique UE-Israël ; l’embargo contre Israël sur la vente d’armes et l’arrêt de toute coopération sur le plan militaire.
 
Après analyse du programme de chaque parti politique et avant les élections, les organisations de la société civile informeront leurs membres et le public des suites que chacun aura réservées à leurs revendications. Elles poursuivront leur combat sous le prochain gouvernement.