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Actualités.

le 24 mai 2024

Retour sur les Assises de la coopération 2024

Les Assises 2024 de la Coopération luxembourgeoise se sont déroulées ces 16 et 17 mai derniers à la LuxExpo – The Box. Elles avaient cette année pour thème «Les technologies et l’innovation dans la coopération au développement : Quelles sont les solutions de demain aux crises et défis mondiaux d’aujourd’hui ? ».

Évènement majeur du secteur, ces Assises ont donné lieu, cette année encore, à des débats, présentations et échanges passionnants entre acteurs issus de différents domaines du secteur de la coopération, tant public que privé, à intérêt commercial et sans but lucratif. Retour sur ces deux journées fortes en en rencontres et en échanges…

 

Le 16 mai, Xavier Bettel, ministre de la Coopération et de l’action humanitaire, a ouvert la première journée des Assises avec un discours soulignant l’importance de la coopération internationale face aux défis de notre temps. Alors que le monde contemporain est secoué par plusieurs crises simultanées, avec le changement climatique et des conflits armés de haute intensité  en premier front, la coopération internationale retient son rôle central pour un monde juste et solidaire. Dans ce contexte, le ministre a réaffirmé la volonté du Luxembourg de dédier 1% de son RNB à l’aide publique au développement. En même temps, il a souligné que le soutien de la coopération luxembourgeoise ne sera pas offert sans conditions, le respect de l’État de droit et des droits humains comptant parmi les priorités du ministre.

Le discours du ministre était suivi par une allocution enregistrée de Amandeep Singh Gill, l’envoyé du Secrétaire général des Nations unies pour les technologies, qui a souligné que l’innovation technologique n’apporte pas des solutions miracles en soi, mais est utile seulement comme un instrument pour avancer le développement humain. Toute technologie devra donc être centrée sur l’humain dans son développement, son utilisation et sa finalité.

Cette importance de mettre l’humain au centre du développement technologique est réapparue lors d’une table ronde sur « le pouvoir transformateur des nouvelles technologies et de l’innovation dans la coopération au développement et l’action humanitaire » qui a clôturé la matinée. Des répresentant.e.s de divers secteurs, tel l’humanitaire, la recherche académique et les assurances commerciales ont présenté le potentiel des technologies dans leur travail. Pourtant, si la représentante de la délégation de la Croix-Rouge pour le cyberspace a souligné l’importante question de « qui contrôle les infrastructure technologiques », les autres participant.e.s se concentraient plutôt sur le potentiel et le risque commercial de vente de services technologiques que sur des questions de création d’infrastructures au Sud Global ou de transferts technologiques, notamment en matière d’observation satellitaire ou d’applications digitales.

L’après-midi a été consacrée à la présentation de six projets innovants soutenus par le Luxembourg dans le domaine de la coopération au développement et de l’action humanitaire, ainsi qu’à leur impact sur le terrain. Ces présentations ont montré comment construire des technologies sur base de besoins spécifiques des populations locales, plutôt que d’utiliser des technologies pour rendre plus accessible, ou même créer, des marchés de services.

Le lendemain, les Assises se sont poursuivies durant une matinée complète, organisée et coordonnée par le Cercle de Coopération des ONGD sous le titre « Renforcer l’égalité des genres et l’autonomisation des femmes : potentialités et limitations de l’innovation technologique ». Après un moment convivial autour d’un café, cette matinée a débuté par une introduction de Nicole Ikuku, directrice du Cercle, rappelant et contextualisant l’importance de la thématique de ses Assises et ses enjeux, ainsi que l’accent porté sur le lien entre l’innovation technologique et l’autonomisation des femmes et la défense de leurs droits. Madame Ikuku a rappelé que si les innovations technologiques peuvent avoir un potentiel émancipateur dans le contexte de la coopération, elles risquent aussi de renforcer une dépendance technologique du Sud Global vis à vis du Nord, et de renforcer ainsi les relations de pouvoir et d’exploitation économique. Elle a souligné l’importance fondamentale des contextes locaux pour l’appropriation du potentiel des technologies, notamment des besoins spécifiques des femmes et de la réalisation de leurs droits fondamentaux, insistant « there is no one size fits all ». Ainsi, des dynamiques culturelles et communautaires peuvent tant amplifier les solutions technologiques par une mise en commun de leur pouvoir (par exemple par des collectifs d’agriculteurs), que les nier (par exemple dans un contexte patriarcal répressif).

Cette mise en garde au sujet d’un risque de rupture technologique, tant entre Nord et Sud global qu’entre membres d’une même communauté, a par la suite été approfondie par François-Xavier Dupret, chargé analyse et partenariats au Cercle. Sa présentation détaillée portait sur le sujet «Autonomisation et droits des femmes – innovations technologiques : des engagements, des réalités et des défis». Cette présentation a permis de faire le point sur la réalisation de l’Objectif de Développement Durable (ODD) n°5 et de s’interroger sur le rôle des technologies numériques, tantôt instruments pour l’autonomisation des femmes et la réalisation de leurs droits, tantôt vecteurs de nouvelles inégalités.

Afin d’illustrer encore plus concrètement la thématique de cette année, deux intervenantes ont ensuite été conviées à présenter les outils innovants développés par leurs ONG respectives pour venir en appui à l’autonomisation des femmes et à la réalisation de leurs droits, lors d’une table ronde intitulée «Les organisations de la société civile : une force de proposition et d’innovation au service des femmes et des filles» modérée par Annick Goerens.

Lors de ces présentation, Mathilde Bauwin, responsable de la gestion des connaissances chez l’ONG ADA – Appui au Développement Autonome – nous a livré une intervention passionnante et vecteur d’espoir au sujet de FIT (Financing Innovation Tool), une innovation financière facilitant l’accès au financement pour les entreprises et institutions financières innovantes, et deux de ses initiatives : The women’s investment Club » et « Zamuka Future of Work Fund ».

Céline Bardet, fondatrice de l’ONG WWoW – We are NOT Weapons Of War est ensuite intervenue pour présenter BackUp, un outil digital innovant permettant aux victimes de violences sexuelles dans le contexte de conflits armés de se signaler, d’enregistrer leurs témoignages et de coordonner les services de secours sans compromettre leur sécurité. Cette table-ronde et les partages d’expériences qui l’ont composée, ont également suscité de nombreuses retours et réactions de la part d’autres acteurs du secteur présents dans la salle.

Les assises de la coopération luxembourgeoise 2024 ont réussi avec succès à illustrer les « potentialités et limitations de l’innovation technologique ». Si un potentiel important d’autonomisation et de développement des femmes et des filles moyennant des technologies a été démontré au courant de ces deux journées, il a aussi été fait preuve de la nécessité de développer des protocoles stricts et contraignants assurant que l’utilisation et la promotion de ces technologies dans le contexte de la coopération internationale ne compromette pas les Objectifs du développement durable.

En complément de cet article, découvrez l’intervention post Assises de Nicole Ikuku, Directrice du Cercle, lors d’une interview menée par RTL Luxembourg : voir l’interview